Depuis 2019, au moins 110 personnes ont été tuées et des centaines d’autres grièvement blessées, présumément à la suite d’usage excessif ou autrement illégal de la force commis par les forces de défense et de sécurité lors de manifestations contre le pouvoir en place. La grande majorité l’ont été à Conakry, mais plusieurs cas ont été recensés dans d’autres villes du pays.
L’évacuation et la prise en charge médicale des personnes gravement blessées durant les manifestations ont souvent été retardées par les forces de défense et de sécurité, le conditionnement des soins au paiement des frais médicaux ou le refus par des membres du personnel médical d’accueillir les victimes par peur de représailles des autorités ou manque de matériel sanitaire adéquat.
Les familles modestes ne peuvent pas non plus supporter les frais médicaux exorbitants pour les soins à long terme au point que certaines personnes blessées lors de manifestations qui ont gardé de graves séquelles et souffrances physiques et psychologiques ont dû arrêter de se soigner, parfois au péril de leur vie.
Ces blessés et leurs familles ont été doublement abandonnés à leur sort, car également privés de justice à cause d’une faible volonté politique des différents régimes à poursuivre les auteurs présumés d’usage excessif de la force. Une majorité de victimes n’ont pas porté plainte car elles n’ont aucune confiance en la justice de leur pays, craignent des représailles des autorités ou sont dépourvues de moyens financiers pour initier une action en justice.
Dans ce contexte d’impunité, les rassemblements ont continué d’être interdits de façon permanente, des forces de défense et de sécurité ont continué d’être déployées avec des armes létales pour réprimer les velléités de rassemblements, et des morts et des blessés continuent d’être fréquemment recensés par des organisations de la société civile et des médias, le tout en violation du droit international et sans égard pour les dénonciations et appels du Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Les autorités doivent répondre de toute urgence au besoin de soins et de justice pour ces centaines de personnes et protéger les droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression.
Dans un tel contexte, Amnesty International recommande notamment aux autorités guinéennes de :
· Garantir les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
· Mettre en place des protocoles pour l’évacuation et la prise en charge médicale rapide des personnes blessées lors de manifestations et former les forces de défense et de sécurité en conséquence ;
· Garantir la disponibilité de matériels adéquats dans les structures de santé pour les soins de personnes grièvement blessées durant les manifestations et garantir le non-conditionnement des soins au paiement des frais médicaux ;
· Créer un fonds visant à couvrir les frais médicaux engagés pour les soins des personnes gravement blessées lors des manifestations ;
· Garantir un procès équitable devant des tribunaux compétents, indépendants et impartiaux des personnes accusées d’usage illégal de la force ;
· Interdire le déploiement d’éléments des forces de défense et de sécurité cagoulés, et de véhicules banalisés lors des manifestations ;
· Garantir l’octroi de réparations adéquates aux victimes.