Liberté d’expression et de la presse dans les contextes de crise :  un dialogue entre Burkinabès 

Amnesty Burkina a participé mardi 9 mai 2023 à Ouagadougou à la table ronde de discussion sur le thème : « Liberté d’expression et liberté de la presse dans le contexte de crise : Dialogue entre les Républiques du Burkina Faso ». Cette activité a été organisé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en collaboration avec le Ministère de la justice et des droits de l’homme, qui est chargé des relations avec les institutions, en marge de la 30e Journée internationale de la liberté de la presse. Cette table ronde a réuni des acteurs du secteur privé et les pouvoirs publics.

Le Haut-Commissaire, Hamsa Diaby Zeynab a souligné que le HCDH Burkina Faso continuera à travailler avec les autorités, la société civile et d’autres partenaires pour renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme dans le pays.

L’objectif principal de ces échanges est de faciliter le dialogue entre les acteurs de l’espace civique (journalistes, professionnels des médias, organisations de la société civile, ONG) et les autorités nationales, notamment celles en charge des droits de l’homme, des ressources humaines, de la sécurité, de la défense, d’une part. d’autre part, et communiquer.

Trois interventions ont eu lieu aujourd’hui. Ainsi, dans son échange sur le cadre juridique de la liberté d’expression au Burkina Faso et le rôle du gouvernement dans la protection des acteurs de la société civile, la Directrice générale des droits de l’homme (DG) Hadjaratou ZONGO a revisité la réglementation internationale et interne sur la liberté d’expression et droits en général. Pour elle, même si la réglementation garantisse la liberté de presse, de l’entreprise de presse et le droit d’accès aux sources d’informations « Le droit à la liberté d’expression n’est pas un droit Absolu »

« On peut dire que la liberté d’expression a vraiment bénéficié d’un cadre juridique qui favorise son application au Burkina Faso. Il est tout de même entendu que sous certaines conditions, l’exercice de cette liberté est volontaire »

“Nous ne pouvons pas tout dire n’importe quand, n’importe où. Nous ne pouvons pas parler au nom d’une liberté d’expression qui viole les droits et libertés d’autrui. Nous ne pouvons pas faire de discours qui stigmatisent, incitent à la violence et à la haine. Même les instruments internationaux qui garantissent une telle liberté d’expression ne peuvent le discours de haine, qui incite à la stigmatisation et à la violence et porte atteinte à la vie privée, aux droits et à la réputation des citoyens, est officiellement interdit », rappelle le correspondant.

Cette communication fait est suivie par celle de M. Louis Modeste OUEDRAOGO, chargé de mission du président du Conseil supérieur des communications. Ce dernier a présenté le rôle du CSC (Conseil Supérieur de la Communication) dans la promotion et la protection de l’espace civique au Burkina Faso. Le juriste spécialiste des TICs à une approche centrée sur la régulation des télécommunications comme moyen de promotion et de protection de l’espace civique.

Il est ensuite revenu sur d’autres formes de contribution du SCC à la promotion et à la protection des espaces civiques avant de présenter les limites, les perspectives et les recommandations. Les échanges d’experts indiquent, entre autres, que le Burkina Faso compte actuellement 136 radios, 28 télévisions, 9 prestataires audiovisuels payants, 23 radios municipales, 6 radios organisées et une radio nationale, soit 7 radios. 4 chaînes de télévision nationales et 4 stations de radio internationales.

La presse écrite et en ligne publique et privée totalise 80 titres (six quotidiens, cinq hebdomadaires, treize bimensuels, 17 mensuels, un bimestriel, 38 journaux institutionnels spécialisés), 145 médias en ligne déclarés au CSC.

« Ce paysage médiatique foisonnant est la preuve de l’existence d’une presse plurielle et diversifiée reflétant la diversité des courants de pensée et d’opinion qui existent dans la société burkinabè », convainc Louis Modeste Ouédraogo.

En terme de recommandation, Il s’agit du renforcement des moyens d’action de l’institution afin de lui permettre d’amorcer une régulation plus ambitieuse, notamment en étendant le champ de la régulation aux réseaux sociaux numériques (nécessaire réforme du cadre juridique) ; la mise en place d’une inter-régulation formalisée de l’espace civique, et plus particulièrement dans l’espace numérique qui doit être à la fois de type horizontal (coopération entre institutions ou autorités nationales) et de type vertical (coopération entre les autorités nationales et les autorités communautaires, régionales et internationales). Outre le renforcement de la professionnalisation de la presse par la formation et la spécialisation des journalistes ainsi que la promotion de l’autorégulation interne, le juriste spécialiste des TIC recommande la spécialisation des juges en matière de droit de la presse ainsi que la résolution des crises et la stabilisation de l’État.

La troisième communication a été, livrée par Bertille Zon de l’Association des Journalistes du Burkina (AJB) sur « les défis des acteurs des médias dans un contexte de crise : cas du Burkina ». Après une cartographie de la situation que traverse le pays depuis huit ans, la communicante s’est attardée sur le cas particulier des journalistes dans l’exercice de leur métier dans ce contexte de crise.

 La situation est particulièrement difficile pour ces professionnels de l’information, dont le quotidien rime avec des menaces de mort, intimidations et autres propos virulents à leur égard. A titre illustratif, et selon une étude en cours sur la liberté de presse au Burkina, citée par un participant, expert-média et enseignant en journalisme, 22 journalistes ont reçu des menaces de mort et sept médias ont été accusés de « radio mille collines ». Un environnement délétère aidé et nourri par le discours des dirigeants.

« Nous ne sommes pas journalistes pour nous-mêmes, nous le sommes pour le peuple », interpelle la spécialiste, Bertille Zon.

Selon le ministre de la justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, garde des sceaux, Bibata Nébié, le thème retenu au plan international témoigne de la place primordiale de la liberté de la presse dans la consolidation de l’Etat de droit, de la paix et du vivre-ensemble. La journée mondiale de la liberté de presse vise à, dit-elle, sensibiliser l’opinion à l’importance de la liberté d’expression consacrée au plan international par entre autres, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques et au plan national par la constitution.

« Elle se veut une journée de soutien aux médias, de mémoire et d’hommages aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur métier », soutient Bibata Nébié, réaffirmant l’engagement du Burkina à protéger les droits humains et à renforcer les conditions de leur exercice au profit de tous.

Pour la représentante du haut-commissaire des nations-unies aux droits de l’homme au Burkina, Zeinab Hamza Diaby, cette rencontre entre en droite ligne avec le mandat de l’institution qui consiste à soutenir et à accompagner les autorités burkinabè dans la mise en œuvre de leurs engagements surtout en matière de promotion et de protection de l’espace civique.

 De son avis, le travail des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres représentants de la société civile est capital pour l’avènement et la consolidation de la paix ainsi que la promotion et la protection des droits de l’homme. Malheureusement, dans plusieurs pays, notamment en périodes de crise sécuritaire, les journalistes sont confrontés à de nombreux défis qui ne favorisent pas le plein exercice de leur profession en toute liberté et en toute sécurité.

La table-ronde s’est soldée par des recommandations à l’endroit de plusieurs acteurs et entités, notamment l’Etat et les pouvoirs publics, les professionnels des médias, le Conseil supérieur de la communication.